Périostite tibiale : comment soigner la blessure ?

 

En juillet 2013, je prends la route pour Dijon. 

Non, pas pour la moutarde.

Je suis sélectionné pour la plus grande compétition de la saison : les championnats de France d’athlétisme sur 800m. 

Mais cette saison a été un enfer. 

Des douleurs aux deux tibias m’ont empêché de m’entraîner correctement. J’ai couru avec des périostites tibiales pendant plus de 8 mois.  

Participer à ces Championnats de France était mon objectif ultime de la saison et ce qui me motivait chaque matin. Abandonner n’était même pas envisageable, alors avant chaque entraînement, je me bandais les tibias avec des bandes de kinésiologie pour atténuer la douleur. 

J’étais prêt à mourir sur la piste et qu’on m’ampute les deux jambes.

J’exagère un peu.

Personne n’allait m’empêcher d’aller à ces championnats. L’état d’esprit de guerrier était bien là, mais mon corps en a pris un coup ! J’ai mal géré mon traitement de la blessure. Je courais sur la douleur.

Et il ne faut jamais faire ça.

Ça n’a fait qu’aggraver l’inflammation et retarder la récupération.

J’ai atteint mon objectif cette saison c’est vrai, mais à quel prix ! Ne compromets pas ta santé physique pour des objectifs sportifs, comme je l’ai fait.

Je te partage dans cet article ce qui m’a aidé à soigner pour de bon mes périostites tibiales.

 

Qu’est-ce que la périostite tibiale ?

La périostite tibiale est l’une des blessures les plus fréquentes en course à pied :

  • La douleur se déclare le long de la face interne du tibia, le grand os situé à l’avant de ta jambe (entre ton genou et ta cheville)
  • Un léger gonflement de la jambe peut parfois être observé
  • L’irritation se trouve la plupart du temps au niveau de la partie inférieure de la crête du tibia
  • Ce qui te fait mal c’est l’inflammation de la membrane qui entoure l’os du tibia. 

Le problème est que la douleur s’estompe souvent lorsque tu ne cours pas ou que tu arrêtes de faire tout type d’exercice avec impact. C’est une blessure vicieuse qui peut durer des mois si tu ne la traites pas assez rapidement. 

Prends au sérieux les signaux de douleur, faute de quoi la périostite tibiale peut évoluer vers une blessure plus grave : la fracture de fatigue !

J’ai suivi plusieurs types de traitement pour soulager la douleur.

J’avais d’ailleurs lu quelque part que pour guérir des périostites tibiales il fallait soigner le mal par le mal. Le traitement était de masser en profondeur les tibias avec un verre mesureur. Douleur insupportable : 10 sur l’échelle de Richter. Je mettais un coussin dans ma bouche pour serrer les dents.

J’ai vite arrêté le traitement, puis je me suis mis à rechercher d’autres formes de soins.

L’arme du crime.


Comment apparaît la périostite tibiale ?

La périostite tibiale apparaît à cause d’un stress répétitif sur les tissus conjonctifs qui attachent tes muscles à l’os du tibia.

C’est une blessure qui survient souvent chez des coureurs qui ont récemment intensifié ou modifié leur programme d’entraînement sans aucune progressivité.

L’augmentation soudaine de l’activité fait violence aux muscles, tendons et tissus osseux qui ne sont pas encore prêts pour supporter cette nouvelle charge.

C’est une inflammation largement évitable si tu fais attention à ne pas trop solliciter ton tibia. Voici les 8 causes principales qui favorisent l’apparition de cette douleur.

1. Augmenter brutalement le kilométrage sans progression

Fais attention à ne pas augmenter trop fortement le nombre de kilomètres courus d’une semaine sur l’autre (ou d’un mois sur l’autre). Tes muscles, tendons, os et articulations ont besoin de temps pour s’adapter à cette nouvelle charge d’effort.

On recommande souvent de ne pas augmenter le kilométrage de plus de 10% par semaine. Par exemple, si tu as l’habitude de courir 50 kilomètres par semaine, tu ne devrais pas dépasser 55 kilomètres la semaine suivante.

Habitue ton corps à cette nouvelle dose de travail et seulement ensuite tu pourras continuer à rajouter graduellement de la charge.

Brique après brique.

2. Être en surentraînement

Il ne faut pas y aller en mode bourrin :

  • “Go hard or go home!
  • Je m’entraîne tous les jours sans jour de repos, j’aurai le temps de me reposer quand je serai mort.

Ne pas accorder suffisamment de repos entre tes séances est la mauvaise approche. Tu te diriges droit vers la blessure.

Le repos est indispensable pour recharger ton énergie mentale et repartir t’entraîner avec envie et motivation. Les jours de repos ne freinent pas ta progression, au contraire ils sont bénéfiques dans la planification de tes entraînements.

Tu peux suivre le rythme suivant : un bloc de 3 semaines d’entraînement suivi d’une semaine plus tranquille où tu réduis l’intensité des séances et le kilométrage total. Une semaine de décompression pour recommencer un nouveau cycle te fera énormément de bien.

Tu dois te ménager des moments où tu relâches la pression pour repartir avec l’envie de t’entraîner.

3. Reprendre l’entraînement trop intensivement

Lorsque le début de la saison approche et que c’est l’heure de la reprise, la tentation est de revenir au même rythme et avec la même intensité qu’avant de terminer la saison.

Entre-temps, tu as certainement pris une coupure course à pied pour faire le plein physique et mental et attaquer la nouvelle saison dans une forme encore meilleure.

La reprise est le moment pour réhabituer ton corps aux impacts de la course à pied.

Même mode d’emploi pour la reprise de la course après une blessure. Il faut accepter de baisser ton kilométrage et réduire l’intensité de tes séances pour t’acclimater tout doucement à l’effort physique.

Calme ton excitation.

4. Courir sur une surface trop dure ou instable

Essaie d’éviter de courir très souvent sur un terrain irrégulier (sentiers de montagne et chemins rocailleux) et sur des surfaces dures (béton, goudron).

L’appui au sol est traumatisant à chaque impact.

Elles favorisent ces tiraillements et répercutent violemment l’onde de choc dans ton corps.

5. Courir toujours dans le même sens 

Lorsque tu fais un entraînement sur piste, tu cours toujours dans le même sens : dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Dans ce cas, tu sollicites plus ta jambe gauche que ta jambe droite à cause de la force centripète, c’est-à-dire la force qui t’attire vers l’intérieur de la piste, vers le centre de ta trajectoire.

Prends l’habitude d’alterner le côté de la route, du parcours santé ou de la piste cyclable sur lequel tu cours.

Ajouter de la diversité t’aide aussi à lutter contre la monotonie.

6. Porter des chaussures inadéquates

Assure-toi que les chaussures que tu utilises pour courir ne sont pas trop anciennes et usées.

Le simple fait que les chaussures n’aient plus leur support original est un facteur de risque.

L’appui au sol doit se faire dans les meilleures conditions. Le côté externe avant de la semelle d’une chaussure te donne des informations sur l’état de la chaussure. Ce simple défaut va totalement déformer ta pose du pied au sol.

Là on peut considérer que c’est usé.

7. Avoir une pronation ou supination prononcée de la voûte plantaire

Une hyperpronation (une voûte plantaire qui s’écrase fortement vers l’intérieur lors du contact au sol) ou une hypersupination (la rotation excessive du pied vers l’extérieur lors du contact au sol) met une pression difficile à supporter sur la membrane qui entoure le tibia.

Chaque appui au sol vient tirer sur la membrane de l’os qui au fil des chocs devient douloureuse au toucher et pendant l’effort.   

8. Une inégalité de longueur entre jambe droite et gauche

Une asymétrie posturale est un autre critère à prendre en compte pour que la répartition des impacts soit proportionnelle entre les deux jambes.

Un simple déficit d’un côté plutôt que de l’autre dégrade l’ensemble de ta chaîne musculaire. 

 

Le traitement à suivre pour soigner la périostite tibiale

Je te rassure pas de verre doseur. 

Courir sur la douleur en serrant les dents ne va pas t’aider à soulager la douleur. Au contraire, ça va aggraver les choses : ce qui aurait pu être soigné en quelques semaines devient une blessure qui s’installe pendant plusieurs mois, difficile à faire partir et qui décourage.

Le premier réflexe est d’arrêter toute activité qui déclenche la douleur : toute activité d’impact qui fait résonner l’inflammation. La jambe qui supporte le poids du corps ne doit plus être sollicitée pour donner une chance à la récupération.

Mais le repos ne doit être que temporaire.

Allez, allez on se motive !

Il ne faut pas habituer le corps à l’inactivité. Par « repos’ j’entends : ne plus mettre en tension la zone douloureuse. Les autres parties de ton corps doivent, si la blessure le permet, continuer à être sollicitées.

Je te recommande de suivre le traitement suivant en 7 étapes qui m’a donné de très bons résultats.

Première étape

Repose ta ou tes jambes qui font mal en arrêtant toute activité d’impact qui réveille la douleur.

Deuxième étape

Reste actif pendant cette période de repos de course en suivant une activité physique portée pour préserver ton aérobie (natation, vélo d’appartement, elliptique, rameur, etc.).

Troisième étape

Dès l’apparition de la douleur fait un diagnostic de la cause de la douleur en consultant un professionnel de santé (kinésithérapeute, ostéopathe, podologue, posturologue, etc.).

Il pourra constater avec plus de précision :

  • si tu es surmenage ou s’il y a un problème dans la planification de tes entraînements
  • si tu portes des chaussures inadaptées
  • si la torsion de ton pied doit être corrigée par des semelles orthopédiques
  • si tes semelles sont trop anciennes et doivent être remplacées
  • si ta posture montre des signes de déséquilibres musculaires

Quatrième étape

Suite au diagnostic, mets en place l’action nécessaire recommandée par le spécialiste de santé qui s’adapte à ton profil :

  • changer de chaussures de course
  • faire ou renouveler des semelles orthopédiques
  • modifier l’attaque du pied au sol
  • etc.

Cinquième étape

Soulage l’inflammation avec un traitement de cryothérapie (application de froid sur la zone de douleur), de physiothérapie (ultrasons, laser, etc.) et bande ton tibia pour soulager la douleur (avec des bandes de kinésiologie ou straps).

Sixième étape

Suis un traitement adapté avec des exercices spécifiques pour soulager l’inflammation (voir les exercices en fin d’article).

Septième étape

Reprends en douceur la course seulement après la disparition de la douleur.

Reste à l’écoute des sensations.

Préfère même une reprise marche tranquille pour une mise en tension progressive. La douleur ne doit plus être présente. Ça doit être ton indicateur phare. 

C’est plus bas les tibias.


Dois-je porter des semelles dans mes chaussures ?

Un rendez-vous chez le podologue est un passage obligé pour :

  • évaluer le besoin de porter de semelles
  • ou renouveler les semelles que tu as déjà

Si tu souffres d’une périostite tibiale, le podologue peut ajuster les semelles en conséquence pour :

  • corriger une hyperpronation ou une hypersupination
  • ou compenser une inégalité de la longueur des membres inférieurs avec une cale au niveau du talon

Si c’est la première fois que tu portes des semelles, commence par t’habituer à ce nouveau soutien plantaire en glissant tes semelles dans tes chaussures de ville. Ton pied va s’adapter progressivement au moule de la semelle qui peut être inconfortable lors des premières sorties. La correction ne sera plus aussi brutale quand tu te mettras à courir. 

Enfin, prends en compte ces 3 conseils pour que le port de semelles soit le plus confortable possible : 

  1. Lorsque tu achètes des chaussures de course préfère des chaussures neutres qui ne prévoient aucune correction préalable (pronation ou supination). Le podologue va se charger d’apporter cette correction en fonction de la morphologie de ton pied.
  2. Ne porte pas la semelle d’origine de la chaussure en-dessous des semelles orthopédiques. Enlève la semelle d’origine et laisse seulement la semelle faite par le podologue. Ton pied risque sinon d’être très élevé et instable dans la chaussure, ce qui favorise les torsions de la cheville et les risques d’entorse.

    La sensation quand tu as deux semelles dans la chaussure.
  3. Tu peux ajouter des talonnettes en Sorbothane au-dessus des semelles orthopédiques pour réduire l’impact des traumatismes sur le tibia. Le port de ces talonnettes est temporaire, juste le temps que la douleur disparaisse. Cette fine talonnette limite les traumatismes liés aux impacts répétés et évite les douleurs musculaires et articulaires notamment au niveau du genou.

La durée de vie d’une semelle orthopédique est d’environ 12 mois. Cette durée évolue bien évidemment en fonction de la fréquence de leur utilisation (si tu les portes à la fois dans tes chaussures de ville et tes chaussures de sport). Après 1 an d’utilisation, la semelle perd ses propriétés proprioceptives et la correction de la voûte plantaire n’est plus aussi efficace. La semelle s’use et s’aplatit.

N’oublie pas de les renouveler !


9 exercices pour soulager l’inflammation du tibia  

Voici une routine de 9 exercices que tu peux intégrer 3-4 fois par semaine dans ton protocole de récupération. Ces exercices vont t’aider à soulager l’inflammation du tibia douloureux. 

Exercice 1 : Étirement du tibial antérieur

Assis-toi sur une chaise et laisse tomber un genou vers le sol tout en courbant doucement les orteils vers le sol. Tire vers l’avant pendant que les orteils restent courbés vers le sol.

Maintiens cette position pendant 20-30 secondes, puis répète l’exercice avec l’autre jambe.

Exercice 2 : Marche sur les talons

Marche sur tes talons sur quelques mètres.

Exercice 3 : Marche sur les pointes de pied

Marche sur sur la pointe des pieds sur quelques mètres.

Exercice 4 : Étirement du tibial antérieur avec serviette

Assis-toi sur le sol, les jambes tendues face à toi. Place une serviette (ou une bande élastique) autour de ton pied et tire doucement ton pied vers toi.

Maintiens cette position pendant 20-30 secondes, puis répète l’exercice avec l’autre jambe.

Exercice 5 : Étirement des mollets face au mur

En position debout, positionne un genou fléchi devant toi et l’autre jambe tendue derrière toi. Pousse contre le mur avec tes bras et tends ta jambe arrière pour étirer le mollet. 

Maintiens cet étirement pendant 20-30 secondes, puis répète l’exercice avec l’autre jambe.

Exercice 6 : Élévations de mollets sur sol et sur marche 

En position debout, fais des élévations de mollets sur les deux jambes. D’abord les deux pieds au sol, puis ensuite les deux pieds sur une marche avec les talons dans le vide.

Fais 30 élévations au total.

Exercice 7 : Levées d’orteils en position debout

En position debout, lève tes orteils vers le ciel en gardant tes voûtes plantaires collées au sol.

Fais 50 élévations au total.

Exercice 8 : Amplitude active des mouvements de la cheville

Assis-toi sur le sol, les jambes tendues face à toi. Tends tes coups de pied loin devant toi, puis fait revenir tes orteils vers toi.

Fais 30 répétitions par jambe.

Exercice 9 : Soulèvement de la voûte plantaire en position assise

Assis-toi sur une chaise et soulève tes orteils et tes voûtes plantaires le plus haut possible en gardant tes talons au sol.

Fais 30 répétitions par jambe.

Les mots de la fin

Reste rigoureux dans l’application de ces exercices.

La douleur va finir par disparaître.

Je m’en suis sorti. Il n’y a pas de raison que tu n’obtiennes pas les mêmes résultats.

– Xangô

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12 commentaires

  1. Merci pour tous ces conseils. Votre article met en lumière la dualité qu’il peut exister entre la force mentale et la capacité à endurer l’effort de la part du corps…

    1. Merci pour ton commentaire, Nicolas. La tête est parfois plus gourmande que ce que le corps ne peut endurer. N’oublions pas d’écouter les signaux d’alarme de notre petit corps avant de le regretter !

  2. Aïe je compatis! J’ai fait l’année dernière une rupture de fatigue au talon! Et quand je lis les raisons de la blessure que tu cites je vois bien mes erreurs! ( trop de kilométrage pour suivre une copine sans augmenter progressivement, sans doute les mauvaise chaussures…. et Crac)
    Je vais lire tes articles , peut être que j’arriverai en reprendre confiance 🙏

  3. Mon cousin a eu une périostite tibiale après avoir couru un marathon. Il a couru les 10 derniers km avec des douleurs… il a par la suite regretté son choix de terminer la course « coute que coute » 🙂
    Je vais lui envoyer ton article, je suis sûre qu’il appréciera les exercices pour soulager l’inflammation.

    1. J’espère, Jessica, que ces exercices lui permettront de soulager cette douleur vraiment handicapante. En lui souhaitant le meilleur rétablissement possible pour qu’il puisse remettre un dossard très bientôt ! 😉

  4. Article très intéressant et de plus très complet.
    Je n’ai jamais eu de périostite personnellement mais sur certaines douleurs / blessures j’utilise quelquefois des bandes voudou (bandes de compression) pour faire des exercices spécifiques. Qu’en penses-tu ? As-tu un avis ?

    Merci pour cet article 🙂

    1. Merci pour ton commentaire, Jody. J’espère que tu resteras bien éloigné de cette blessure. Les bandes voodoos sont en effet un très bon outil pour améliorer l’amplitude de mouvement et la mobilité articulaire lorsque tu réalises un exercice. L’effet comprimant de la bande a aussi un autre avantage : celui de favoriser la circulation sanguine pour une meilleure oxygénation du muscle. 
Donc bon choix pour faire des exercices spécifiques, mais attention à ne pas utiliser ces bandes pour compenser une gène ou douleur physique, ce qui pourrait se solder par des effets délétères !

  5. Bravo pour cet article bien écrit et précieux en informations. Bon je ne suis pas/plus concernée parce que depuis quelques années je ne cours plus. Mais je reconnais que ton site m’a donné envie de m’y remettre. Alors je garde précieusement l’adresse et je n’hésiterai pas à revenir lire tes conseils !

    1. Ça me fait extrêmement plaisir de savoir que j’ai pu peut-être te redonner l’envie de replonger dans le bain de la course à pied. Bienvenue à nouveau dans la belle communauté des coureurs, Anne ! 😁

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