Élongation et déchirure musculaire : temps de guérison et traitement
Lorsque tu t’entraînes régulièrement pour te préparer à une compétition ou battre ton record personnel, tu frôles constamment avec les limites de ton corps.
Cette ligne invisible entre le confort et l’inconnu est très fine. Certains entraînements seront très bien assimilés par ton organisme, d’autres plus intenses laisseront des marques.
La blessure n’est jamais normale. Elle en dit beaucoup sur les domaines à travailler (renforcement, récupération, mobilité, etc). En attendant, un traitement adapté doit être mis en place pour optimiser le temps de guérison.
J’ai souffert de deux déchirures musculaires à un ischio-jambier, et elles ont mis fin brusquement à ma saison estivale sur piste. Je t’explique dans cet article comment j’ai réussi à les soigner.
Qu’est-ce qu’une élongation ou déchirure musculaire ?
Il s’agit d’une lésion au niveau des fibres musculaires qui ont été trop étirées pendant l’effort. La contraction musculaire est trop intense par rapport à ce que les fibres musculaires peuvent supporter. Plus la lésion est grave plus le nombre de fibres cassées est grand.
L’élongation et la déchirure sont les lésions musculaires qu’on entend le plus souvent, mais il en existe plusieurs types. En fonction de la gravité de l’étirement la lésion portera un nom différent :
- courbature
- contracture
- élongation
- déchirure (ou claquage)
- rupture
On a tendance à confondre les termes entre eux. Voyons comment les distinguer.
Courbature
La courbature se catégorise plutôt comme une douleur musculaire qui apparaît la plupart du temps 24-48h après un effort intense. Elle se différencie des autres lésions car il ne s’agit que de micro-lésions. Contrairement à la contracture, la courbature est une douleur musculaire diffuse. Il est difficile de localiser un point précis douloureux. La douleur s’étend sur l’intégralité du groupe musculaire.
La marche est accompagnée d’une gêne mais n’empêche pas la poursuite de l’activité sportive (sauf cas extrême !)
Contracture
La contracture est la contraction permanente d’un muscle ou d’un groupe de fibres musculaires. Le muscle se raidit et la douleur est localisée à un point précis.
Élongation
L’élongation se ressent comme un étirement aigu non habituel du muscle. Le muscle s’est étiré au-delà de ses capacités. Elle modifie instantanément ton mouvement de course. Ton corps doit compenser le muscle blessé en ajoutant de la pression sur d’autres muscles. C’est de cette façon que des déséquilibres musculaires peuvent s’installer.
L’effort physique peut être continué, mais avec une gêne. Surtout, arrête-toi tout de suite !
Déchirure (ou claquage)
La déchirure est le niveau supérieur. Elle survient fréquemment pendant un effort intense, la lésion est violente et empêche de continuer l’activité. Le coureur blessé est forcé de boiter pour ne pas solliciter le muscle déchiré.
La déchirure des fibres fait éclater les vaisseaux sanguins et crée un hématome en raison de la rupture musculo-tendineuse.
Rupture
La rupture est le niveau le plus grave. La rupture des fibres est partielle ou totale.
Quels sont les muscles à risque ?
Ce type d’atteinte musculaire touche majoritairement les ischio-jambiers et les mollets. La lésion peut aussi survenir au niveau du quadriceps.
En général, nos muscles antagonistes sont plus faibles que nos muscles agonistes. Par exemple nos quadriceps sont plus forts que nos ischio-jambiers. La chaîne postérieure est souvent délaissée au profit de la chaîne antérieure (pour des questions esthétiques ne nous le cachons pas), ce qui crée des déficits musculaires.
L’ensemble des plus grands muscles de la chaine postérieure (lombaires, fessiers, ischio-jambiers) s’affaiblissent chaque jour à cause d’une position assise prolongée.
Quels symptômes permettent de reconnaître les lésions musculaires ?
Contracture
- le muscle se contracte involontairement en dehors de l’activité physique
- la douleur est facilement localisable à un point précis
- le muscle est dur lorsqu’on touche la zone douloureuse
- le muscle est sensible à l’étirement
- pas d’hématome visible
Élongation
- la douleur est facilement localisable, la palpation réveille la douleur
- la douleur s’accentue à l’étirement même léger du muscle
- la marche ou la course peut être continué mais avec une gêne, la foulée est altérée
- pas de présence d’hématome
Déchirure (ou claquage)
- la douleur est intense lorsque la déchirure se produit
- la marche et la course ne peuvent pas être continuées
- tout déplacement est douloureux, l’étirement du muscle aussi
- on peut entendre un craquement au moment de la déchirure
- si de nombreuses fibres ont été étirées, un hématome sera visible au niveau de la zone blessée
Quels sont les facteurs qui provoquent une déchirure ou élongation musculaire ?
Ce type d’accident musculaire est bien plus fréquent que tu ne le penses. Et ça ne touche pas seulement les sprinters. Un simple déficit musculaire met le corps dans une situation de danger où les muscles ne peuvent pas supporter l’effort physique imposé.
BOUM, ça casse !
Plusieurs facteurs peuvent entraîner ce type de blessure :
- Manque ou absence d’échauffement (notamment avant une séance de vitesse)
- Entraînement à haute intensité sous des températures froides
- Mauvaise planification des entraînements (enchaînement de séances difficiles sans récupération suffisante)
- Déséquilibre musculaire (entre muscles agonistes et antagonistes)
- Manque de force musculaire des membres inférieurs
- Asymétrie posturale
- Défaut morphologique des pieds (hyperpronation ou hypersupination)
- Manque de récupération qui laisse s’installer une fatigue musculaire
- Déplacement latéral brusque pour éviter un obstacle ou un individu
- Déshydratation
- Alimentation hyperglucidique et riche en matières grasses
- Carence en minéraux (calcium, potassium, magnésium)
- Manque de sommeil
Quel traitement suivre pour se soigner ?
La chronologie médicale est une période critique à respecter religieusement pour bien cicatriser. En attendant un diagnostic médical précis, il convient d’appliquer le fameux protocole RICE:
- Rest : repos de la jambe blessée
- Ice : application de froid sur la blessure
- Compression : compression de la zone blessée
- Elevation : élévation de la jambe touchée au-dessus du niveau du coeur
On peut diviser le traitement en plusieurs phases. Voyons plus en détail comment se décompose le traitement et comment l’appliquer en pratique.
1ère phase : la phase critique des premières 48-72h post-blessure
- Évite de solliciter la jambe blessée juste après l’accident musculaire et pendant les 24-48 premières heures. Dans le cas d’une rupture, l’utilisation de béquilles peut être une solution temporaire pour soulager le muscle déchiré. Par contre limite leur usage aux premiers jours pour ne pas que le corps s’habitue à une aide extérieure.
- Applique un berlingot de froid sur la zone blessée toutes les heures pendant 15-20 minutes maximum afin de limiter l’inflammation et diminuer la sensation de douleur. Entre chaque application de froid, compresse le muscle blessé avec un bandage (bande de compression ou strapping) pour limiter le saignement des vaisseaux sanguins rompus. Ne te fais pas un garrot !
- Attention à ne pas masser la zone blessée pendant les 3-4 premiers jours qui suivent l’accident. Le massage fragilise les vaisseaux sanguins en cours de cicatrisation. Le risque est la reprise des saignements (et donc l’aggravation de l’hématome).
- Une fois les étapes ci-dessus appliquées, il est temps de faire circuler le sang pour éliminer les toxines et réamorcer la pompe veineuse. Pour cela, positionne ta jambe en hauteur (avec plusieurs coussins, contre un mur, contre une chaise, etc.). Pour un drainage efficace, retiens que le pied surélevé doit être positionné au-dessus du niveau du cœur.
2ème phase : 1 semaine après la blessure
Prévois très rapidement de passer une échographie pour établir un diagnostic précis de la blessure. Il est temps de voir l’étendue des dégâts !
La douleur de l’élongation ou la déchirure aura normalement diminué après une semaine post-blessure. Mais continue d’appliquer le protocole de la première phase (ça doit rester ton protocole de base). La blessure est loin d’être résorbée. Les soins doivent continuer à être appliqués régulièrement.
Continue de compresser la zone pour que le drainage continue de s’appliquer.
3ème phase : 2 semaines après la blessure
Les premiers jours post-blessure sont concentrés sur la limitation de l’inflammation et la réduction de la douleur.
Après ces premiers jours de repos il faut commencer à appliquer un protocole de rééducation pour que le muscle récupère ses capacités maximales. Laisser le muscle immobilisé lui fait perdre toute sa résistance et son élasticité. Le manque de sollicitation est néfaste.
4ème phase : la reprise de l’activité physique
La reprise doit se faire en douceur.
Reprends l’activité graduellement avec de la marche active, puis si la douleur ne se déclare pas à la marche, reprends des footings légers de quelques minutes seulement. Ajoute ensuite petit à petit du volume et de l’intensité jusqu’à se rapprocher de tes séances avant blessures.
Kiné ou pas kiné ?
L’appel à un kinésithérapeute est important pour effectuer des soins locaux. Ton kiné aura le choix entre différentes techniques : massages manuels, ultrasons, ondes de chocs, crochetage, électro-stimulation, etc.
Le massage permettra notamment le drainage lympathique, aidera à éliminer les toxines et à accélérer la circulation sanguine pour que les tissus musculaires se reforment correctement.
Quelle rééducation suivre ?
En parallèle des soins thérapeutiques pour cicatriser la lésion, tu dois penser à préserver ton athléticité.
La rééducation est la période où il faut appliquer de la tension permanente sur la zone blessée pour garder un minimum de force musculaire et d’amplitude de mouvement. Elle doit allier du renforcement musculaire, des exercices de proprioception, de mobilité articulaire et des étirements.
La rééducation est cruciale à 2 niveaux :
- pour récupérer l’usage du muscle blessé
- pour éviter de se blesser à nouveau (à cause d’un muscle fragilisé)
Il faut à tout prix éviter la récidive, car une lésion musculaire mal soignée peut devenir chronique suite à des entraînements de haute intensité.
Quel est le temps de guérison moyen ?
La reprise dépendra du temps d’immobilisation du muscle blessé. Si l’atteinte musculaire est sérieuse, le délai de cicatrisation sera plus long et la reprise de la course sera d’autant plus retardée. Dans le cas d’une lésion plus bénigne en revanche, tu pourras reprendre plus tôt les footings à allure lente.
- Une élongation demande le plus court temps de guérison. Si l’élongation est assez réduite, le retour de la course peut se faire après environ 2 semaines.
- Une déchirure demandera un temps plus long de cicatrisation. Plusieurs semaines seront nécessaires pour que les fibres musculaires retrouvent leur insertion originale. Un arrêt de 5-6 semaines de la course devra être rigoureusement respecté.
- Une rupture est une cassure partielle ou totale du muscle. Le repos et la rééducation ne sont pas suffisants pour reformer les connexions des fibres. Une intervention chirurgicale sera souvent nécessaire.
Quels sont les pièges à éviter pendant la convalescence ?
Le succès de cicatrisation de la lésion musculaire dépend du bon suivi du protocole de soins. Mais pour qu’elle soit complètement effective, elle oblige aussi à ne pas tomber dans des pièges qui freinent la guérison. Parmi ces obstacles, on peut relever les suivants :
- Anticiper la chronologie médicale (c’est-à-dire reprendre la course trop tôt)
- Reprendre la course seulement parce que la douleur a disparu à la marche
- Masser la zone blessée en période de cicatrisation
- Réaliser des mouvements brusques et intensifs (pliométrie)
- Consommer des anti-inflammatoires
- Ne pas suivre un programme de renforcement musculaire ciblé
- Rester inactif pendant toute la période de convalescence
Les mots de la fin
Pense à toujours suivre un échauffement adapté avant de commencer à courir pour préparer les muscles à l’effort. Ne néglige pas ta récupération entre les séances d’entraînement pour que tes muscles cicatrisent des micro-lésions créées durant l’effort. Si tu te sens fatigué avant d’aller t’entraîner, n’hésite pas à reporter ta séance et à la remplacer par une activité plus douce comme des étirements, de la mobilité, ou du yoga. Et enfin, fais attention à ce que tu ne souffres pas d’un déficit musculaire entre les muscles antérieurs et postérieurs (quadriceps vs ischio-jambiers).
Prends bien soin de toi !
– Xangô